La locomotive

La bielle est immobile et la boite à feu luit
Du monstre noir s'échappe un grand jet de vapeur
Conducteur et chauffeur sont rouges de sueur
Sur le quai de la gare attend le train de nuit.

Au lever du signal, piaffant d'impatience
La bête de métal de son joug délivrée
Pour cette liberté fièrement recouvrée
Jette un long cri strident qui perce le silence.

Impatiente encor deux fois elle patine
Et puis bien lentement elle emporte le train
Du battement des rails égrenant le refrain
Berce les passagers d'une étrange comptine.

Sans s'arrêter jamais ou sur un quai désert
Pour boire goulument à quelque château d'eau
Elle s'élance encor de poteaux en poteaux
Interrompant parfois le long brame d'un cerf.

C'est au petit matin qu'au sortir d'un tunnel
Quelque peu fatiguée, et tout à fait heureuse
Elle jette éperdue à la mer amoureuse
Trois longs coups de sifflet d'un air très solennel.

Alors sur la calanque, aux rochers de Provence
La vaillante machine accroche les volutes
D'une blanche fumée, hommage de sa lutte
Au mistral son ami d’ancienne connivence…